La
loi de finances est un texte législatif qui détermine le budget annuel de l'État français. Elle fixe les recettes et les dépenses pour l'année à venir, définissant ainsi les grandes orientations de la politique économique et financière du pays. Comprendre la loi de finances est crucial pour saisir les enjeux budgétaires et fiscaux de la France.
Les différents types de lois de finances
Les lois de finances constituent le cadre juridique et budgétaire permettant à l'État français de définir et d'autoriser ses ressources et ses dépenses pour une année donnée. Elles jouent un rôle fondamental dans la gestion des finances publiques et la mise en œuvre des politiques gouvernementales.
Les différents types de lois de finances
Le système budgétaire français distingue plusieurs catégories de lois de finances, chacune ayant une fonction spécifique dans le cycle budgétaire annuel :
La loi de finances initiale (LFI)
La loi de finances initiale constitue le socle du budget de l'État pour l'année à venir. Votée avant le début de l'exercice budgétaire, elle autorise la perception des ressources de l'État et des impositions affectées à d'autres personnes morales, tout en fixant les plafonds des dépenses. La LFI détermine également les grands équilibres économiques et financiers, ainsi que les objectifs de politique budgétaire. Elle doit être adoptée avant le 31 décembre de l'année précédant son application.
Les lois de finances rectificatives (LFR)
Également appelées "collectifs budgétaires", les lois de finances rectificatives permettent d'ajuster le budget en cours d'année pour tenir compte des évolutions de la conjoncture économique ou des priorités politiques. Elles modifient les dispositions de la LFI, en révisant les prévisions de recettes et en ouvrant ou annulant des crédits. En moyenne, on compte 1 à 3 LFR par an, adoptées généralement au printemps et à l'automne.
La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année
Anciennement nommée "loi de règlement", cette loi arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l'année écoulée, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle. Elle joue un rôle crucial dans le contrôle de l'exécution budgétaire par le Parlement. La réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2021 a avancé sa date limite de dépôt du 1er juin au 1er mai, afin d'accorder plus de temps aux parlementaires pour l'évaluation et le contrôle.
La loi de finances de fin de gestion
Introduite par la réforme de la LOLF de 2021, la loi de finances de fin de gestion est une nouvelle catégorie entrant en vigueur à partir de l'exercice 2023. Elle vise à apporter des ajustements techniques au budget en fin d'année, sans pouvoir comporter de mesures fiscales nouvelles ni affecter les dépenses budgétaires des années ultérieures. Cette innovation permet une meilleure gestion des crédits en fin d'exercice et renforce la sincérité budgétaire.
Ces différents types de lois de finances s'articulent pour former un dispositif complet de pilotage et de contrôle des finances publiques, alliant prévision, adaptation et évaluation tout au long du cycle budgétaire annuel. Leur élaboration et leur adoption suivent des procédures spécifiques, encadrées par la Constitution et la LOLF, garantissant ainsi la rigueur et la transparence de la gestion budgétaire de l'État.
Processus d'adoption de la loi de finances
Le processus d'adoption de la loi de finances annuelle en France suit une procédure spécifique encadrée par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ce processus complexe implique à la fois le Gouvernement et le Parlement, avec des étapes et des délais précis à respecter.
Préparation du projet de loi de finances
La préparation du projet de loi de finances initiale (PLF) débute dès le printemps précédant l'année budgétaire concernée. Le ministère de l'Économie et des Finances, sous l'autorité du Premier ministre, coordonne l'élaboration du budget avec les différents ministères. Cette phase comprend notamment :
- L'évaluation des recettes fiscales prévisionnelles
- La définition des plafonds de dépenses par mission
- L'arbitrage entre les demandes budgétaires des ministères
- La rédaction des articles du PLF et des documents budgétaires annexes
Dépôt et présentation au Parlement
Conformément à l'article 39 de la Constitution, le projet de loi de finances est déposé en premier lieu sur le bureau de l'Assemblée nationale. La LOLF fixe la date limite de dépôt au premier mardi d'octobre de l'année précédant l'exercice budgétaire. En 2023 par exemple, le PLF 2024 a été déposé le 27 septembre.
Le jour du dépôt, le ministre de l'Économie et des Finances présente le projet devant les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Une conférence de presse est également organisée pour exposer les grandes lignes du budget au public.
Examen en commission
Les commissions des finances des deux assemblées disposent d'un délai de 40 jours pour examiner le PLF. Durant cette période :
- Les rapporteurs spéciaux analysent en détail les crédits des différentes missions
- Des auditions de ministres et d'experts sont organisées
- Des amendements sont déposés et examinés
- Un rapport général est rédigé, présentant l'analyse de la commission et ses recommandations
Discussion et vote en séance publique
L'examen du PLF en séance publique débute à l'Assemblée nationale, généralement mi-octobre. La discussion s'organise en deux temps :
- Vote de la première partie (conditions générales de l'équilibre financier)
- Examen et vote des crédits par mission dans la seconde partie
Le texte adopté par l'Assemblée est ensuite transmis au Sénat, qui dispose de 20 jours pour l'examiner. En cas de désaccord entre les deux chambres, une commission mixte paritaire peut être convoquée pour trouver un compromis.
Adoption définitive et contrôle du Conseil constitutionnel
La Constitution fixe au 31 décembre la date limite d'adoption de la loi de finances. Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 70 jours suivant le dépôt du projet, le Gouvernement peut mettre en vigueur les dispositions du PLF par ordonnance. Cette procédure exceptionnelle n'a jamais été utilisée à ce jour.
Une fois le texte définitivement adopté, le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi pour vérifier sa conformité à la Constitution. La loi de finances est ensuite promulguée par le Président de la République et publiée au Journal officiel avant le 31 décembre.
Calendrier type du processus d'adoption
Date |
Étape |
Premier mardi d'octobre |
Dépôt du PLF à l'Assemblée nationale |
Mi-octobre à mi-novembre |
Examen et vote à l'Assemblée nationale |
Fin novembre à mi-décembre |
Examen et vote au Sénat |
Mi-décembre à fin décembre |
Navette parlementaire et adoption définitive |
31 décembre au plus tard |
Promulgation de la loi de finances |
Ce processus d'adoption rigoureux vise à garantir un examen approfondi du budget de l'État par les représentants de la nation, tout en respectant les contraintes de calendrier inhérentes à l'exercice budgétaire annuel.
Contenu et présentation d'une loi de finances
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) définit précisément la structure et le contenu des lois de finances. Ce cadre légal vise à assurer la transparence et la cohérence du budget de l'État, tout en permettant un contrôle efficace par le Parlement.
Structure en deux parties distinctes
Conformément à l'article 34 de la LOLF, une loi de finances se compose de deux parties principales :
- Première partie : conditions générales de l'équilibre financier
- Deuxième partie : moyens des politiques publiques
Cette structure binaire permet de séparer clairement les dispositions relatives aux ressources de l'État de celles concernant ses dépenses. La seconde partie ne peut être mise en discussion avant l'adoption de la première, garantissant ainsi que les députés se prononcent d'abord sur l'équilibre général avant d'examiner les crédits par mission.
Article liminaire
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les lois de finances doivent comporter un article liminaire présentant un tableau de synthèse. Ce tableau récapitule, pour l'année concernée, les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques. Il détaille également les calculs permettant de passer de l'un à l'autre, offrant ainsi une vision globale de l'état des finances publiques.
Contenu de la première partie
La première partie de la loi de finances traite des conditions générales de l'équilibre financier. Elle comprend notamment :
- L'autorisation de perception des impôts
- Les dispositions relatives aux ressources de l'État, en particulier fiscales
- L'évaluation de chacune des ressources budgétaires
- Les dispositions relatives aux prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne
- Le plafond des dépenses du budget général
- Les données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre
Par exemple, la loi de finances pour 2024 autorise, dans son article 1er, la perception des impôts existants jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025. Elle fixe également le plafond des dépenses du budget général à 476,7 milliards d'euros pour 2024.
Contenu de la seconde partie
La deuxième partie de la loi de finances est consacrée aux moyens des politiques publiques. Elle contient :
- La fixation des crédits des programmes du budget général
- Les dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux
- Les plafonds des autorisations d'emplois pour l'État et ses opérateurs
- Les éventuelles dispositions permanentes à caractère budgétaire ou fiscal
À titre d'illustration, la loi de finances pour 2024 fixe le plafond des autorisations d'emplois de l'État à 1 962 286 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Elle détaille également les crédits alloués à chaque mission du budget général, comme par exemple 59,7 milliards d'euros pour la mission "Enseignement scolaire".
Annexes obligatoires
La LOLF impose également la présentation de plusieurs annexes détaillées avec le projet de loi de finances, notamment :
- Une évaluation des voies et moyens
- Des annexes explicatives par mission et programme
- Un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation
- Une présentation des mesures envisagées pour assurer la maîtrise des dépenses publiques
Ces annexes, bien que non soumises au vote, fournissent aux parlementaires des informations essentielles pour analyser et débattre du projet de budget.
Objectifs et impacts des lois de finances
Les lois de finances constituent un outil crucial pour piloter l'économie française et mettre en œuvre les priorités politiques du gouvernement. Au-delà de la simple autorisation budgétaire, elles fixent des objectifs macro-économiques ambitieux et orientent les dépenses publiques vers les secteurs jugés stratégiques.
Objectifs macro-économiques pour 2024
Le projet de loi de finances pour 2024 s'appuie sur des prévisions économiques prudentes mais optimistes. Le gouvernement table sur une croissance de 1,4% du PIB, en hausse par rapport aux 1,0% attendus en 2023. L'inflation devrait nettement refluer à 2,6%, contre 4,9% en 2023. Ces projections macroéconomiques servent de base à l'élaboration du budget et des politiques publiques.
Concernant les finances publiques, l'objectif affiché est de poursuivre la réduction progressive du déficit. Le solde public devrait ainsi passer de -4,9% du PIB en 2023 à -4,4% en 2024. Cette trajectoire vise à respecter les engagements européens de la France tout en préservant la reprise économique.
Priorités sectorielles et arbitrages budgétaires
La loi de finances pour 2024 met l'accent sur plusieurs secteurs jugés prioritaires :
- L'éducation, avec une hausse de 3,9 milliards d'euros du budget du ministère
- La transition écologique, qui bénéficie d'une enveloppe de 7 milliards d'euros
- La sécurité, avec 1,5 milliard d'euros supplémentaires pour l'Intérieur et la Justice
Ces priorités se traduisent par des arbitrages budgétaires. Certains ministères voient leurs crédits augmenter significativement, tandis que d'autres sont soumis à des efforts d'économies. Par exemple, le budget de la Défense progresse de 3 milliards d'euros, quand celui du Travail recule de 7,5 milliards.
Impact sur l'économie française
Les choix budgétaires opérés dans la loi de finances influencent directement l'activité économique. Les investissements publics dans des secteurs comme la transition écologique ou les infrastructures ont un effet d'entraînement sur l'économie privée. À l'inverse, la maîtrise des dépenses de fonctionnement de l'État peut freiner la consommation publique.
La politique fiscale joue également un rôle clé. Pour 2024, le gouvernement a fait le choix de ne pas augmenter les impôts, afin de préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Cette orientation devrait soutenir la demande intérieure, principal moteur de la croissance française.
Effets attendus sur l'emploi et l'investissement
Le gouvernement estime que les mesures prévues dans la loi de finances 2024 permettront de créer environ 150 000 emplois supplémentaires. Les dispositifs de soutien à l'investissement, comme le crédit d'impôt recherche maintenu à 30%, devraient favoriser l'innovation et la modernisation de l'appareil productif français.
In fine, l'objectif est de concilier redressement des finances publiques et soutien à l'activité économique. Le pari du gouvernement est que la maîtrise des dépenses, combinée à des investissements ciblés, permettra d'assainir les comptes publics tout en préservant les perspectives de croissance à moyen terme.
La loi de finances demeure un instrument central de la politique économique française. Son évolution pourrait inclure une plus grande transparence dans son élaboration et une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux. La digitalisation du processus et l'implication citoyenne dans les débats budgétaires pourraient également marquer les futures lois de finances.